La victoire de Téné Birahima Ouattara à Abobo scelle une nouvelle alliance avec la population
À Abobo, commune emblématique du nord d’Abidjan et bastion historique du parti présidentiel, l’élection de Téné Birahima Ouattara dit Photocopie, aux législatives de 2025 marque un moment politique majeur. Le résultat enregistré en sa faveur, 92 124 voix sur 106227, soit 88,45% des suffrages exprimés, constitue un sommet inédit dans l’histoire électorale de cette circonscription, longtemps surnommée Adoland, en référence à son attachement constant au Président Alassane Ouattara.
Un bastion fidèle, mais attentif aux signaux politiques
Depuis 2011, Abobo a toujours placé le RDR puis le RHDP en tête des consultations électorales. Lors des législatives de 2011, le RDR y avait recueilli près de 79 000 voix, un score élevé qui traduisait l’élan post-crise. Les scrutins suivants ont toutefois montré une mobilisation plus contrastée. Aux municipales de 2013, le parti retombait autour de 48 000 voix, avant de connaître une nouvelle baisse aux législatives de 2016, avec un peu plus de 40 000 suffrages sous la bannière RHDP.
La dynamique s’est progressivement redressée à partir de 2018, année des municipales remportées avec un peu plus de 50 000 voix, puis confirmée lors des législatives de 2021, où le RHDP franchissait à nouveau la barre des 60 000 suffrages.
En 2023, aux municipales, le parti se maintenait autour de 59 000 voix, signe d’une fidélité électorale réelle, mais traversée par un sentiment de frustration croissant. Car à Abobo, bastion politique ne rime pas avec soutien inconditionnel.
Ces dernières années, nombre d’observateurs évoquaient un malaise diffus, nourri par l’impression d’un décalage entre l’attachement politique de la commune et la réalité des réponses apportées à ses défis sociaux, urbains et économiques. C’est dans ce contexte que la candidature de Téné Birahima Ouattara a pris tout son sens. Pour beaucoup, le choix du frère du chef de l’État relevait d’un message politique clair, celui d’un réinvestissement assumé du clan Ouattara dans cette commune stratégique.
Le score historique de 2025 apparaît dès lors comme l’expression d’un accueil plutôt favorable des populations, sensibles à cette marque d’attention. Il donne au parti présidentiel un nouveau souffle à Abobo, en réactivant un lien ancien que les électeurs entendaient voir consolidé par des actes.
Une campagne de terrain, pensée pour Abobo
Désigné candidat à quelques semaines seulement du scrutin, Téné Birahima a opté pour une campagne resserrée, fondée sur la proximité. Loin des grands rassemblements, il a privilégié les rencontres avec les communautés, les organisations professionnelles, les chefs de quartiers, les jeunes et les femmes, entrant ainsi dans le cœur de la commune. Cette stratégie, adaptée à la sociologie d’Abobo, a permis d’instaurer une relation directe avec les électeurs et de transformer une candidature tardive en dynamique massive. Dans une commune où la parole donnée compte autant que le symbole, la présence répétée sur le terrain a pesé lourd dans la mobilisation.
L’enfant d’Abobo : une parole plus personnelle
Réputé réservé, voire austère, celui que l’on appelle “Ibrahim” dans l’intimité, s’est montré plus accessible durant cette campagne. Il a évoqué pour la première fois, publiquement, une partie de son enfance partagée entre Abobo et Yopougon, rappelant un parcours ancré dans les réalités populaires d’Abidjan. Cette prise de parole, inhabituelle chez l’homme, a contribué à humaniser son image.
Un témoignage a particulièrement marqué les esprits, celui évoquant ses liens avec son médecin traitant, originaire de l’Ouest du pays, qui l’a accompagné durant un moment de maladie. Un récit intime, sobre, qu’il a présenté comme un symbole du vivre-ensemble ivoirien, loin des clivages régionaux.
Une autorité politique assumée
La campagne a également mis en lumière la stature politique du candidat. En plein scrutin, Téné Birahima Ouattara a suspendu ses activités à Abobo pour se rendre à Man, théâtre d’un affrontement électoral sensible entre la liste RHDP conduite par Mamadou Bamba, dit Momo et une liste indépendante menée par Sidiki Konaté, ancien cadre de la rébellion. Sur place, accompagné par plusieurs cadres de la région, le Ministre a tenu un discours direct et sans ambiguïté en faveur de la liste du parti présidentiel. Cette intervention a été perçue comme décisive par de nombreux observateurs, la liste RHDP a remporté finalement l’élection. L’épisode a renforcé son leadership et son rôle de pillier du dispositif politique du RHDP.
Une victoire collective, structurée
Le succès d’Abobo repose aussi sur une mobilisation collective. La campagne a bénéficié du soutien actif de nombreux cadres du parti, sous la direction de la présidente du Sénat, Kandia Camara, par ailleurs directrice de campagne. La coordination entre l’appareil politique, les relais locaux et l’engagement personnel du candidat a permis de transformer une base électorale fidèle en adhésion massive.
Après le score, l’épreuve de la durée
À Abobo, un score élevé est autant une reconnaissance qu’un engagement. Les populations, réputées exigeantes, attendent désormais que cette mobilisation exceptionnelle se traduise par des actions visibles et durables. Le résultat de 2025 appelle une continuité dans la proximité et une mise en œuvre concrète des attentes exprimées.
Solange ARALAMON
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